Retour à Caramassaigne : entre forêts profondes et silences pelés
Il y a des sites qu’on ne cesse jamais de revisiter. Caramassaigne, au bout de l’île du Riou, est de ceux-là. Depuis plus de dix ans, je descends régulièrement le long de son tombant, happé par la profondeur, guidé par la promesse de ses forêts de gorgones rouges et de ses nuages d’anthias qui vibrent comme une pluie de flammes.
🌊 Partie technique – Caramassaigne, mode d’emploi
Plonger à Caramassaigne ne s’improvise pas. Le site, situé à l’extrémité Est de l’île du Riou, impose d’abord ses conditions :
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Une météo parfaite : vent faible, houle quasi inexistante, car l’accès reste long et exposé.
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Du temps : depuis l’Estaque, il faut compter une bonne traversée pour rejoindre le site, et l’organisation doit être sans faille.
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Des plongeurs expérimentés : les parcours les plus riches dépassent largement les vingt mètres, avec des descentes qui flirtent avec les quarante, cinquante, voire soixante mètres pour les plus téméraires.
📍 Repères et géographie
Caramassaigne, c’est avant tout un tombant monumental, un mur qui plonge dans les grands fonds. La roche s'enfonce tout droit jusqu'à plus de soixante mètres. Les zones les plus visitées se trouvent au Nord de la pointe, le long du tombant qui fait face au Grand Congloué.
Les cartes 3D du SHOM montrent ces décrochés successifs : une architecture en gradins, qui fait tout l’intérêt du lieu… mais aussi son exigence. Malheureusement, ces données s'arrêtent juste avant la zone qui m'intéressait pour cette plongée.
🌬️ Conditions de plongée
Le site est exposé aux vents dominants et la houle peut rapidement compliquer la mise à l’eau. Les journées de mistral sont à proscrire : mieux vaut attendre le calme plat, quand la mer se fait miroir. C’est dans ces moments rares que Caramassaigne se laisse approcher, comme une forteresse qui n’ouvre ses portes qu’aux plus patients.
🚤 Mon choix de parcours & mes attentes
La plupart du temps, à Caramassaigne, les plongeurs suivent un trajet bien rodé : descente le long de la pointe nord, exploration autour des quarante mètres, puis lente remontée vers le plateau des vingt mètres avant le retour au mouillage. C’est un parcours sûr, éprouvé, qui garantit de croiser les gorgones et leurs habitants colorés.
Il y a quelques années encore, ce tombant était une véritable cathédrale vivante. Les gorgones rouges y formaient une forêt si dense et si vaste que les plus gros mérous pouvaient s’y dissimuler sans peine. Je me souviens de ces parois flamboyantes, des congres, murènes, chapons et mostelles qui se succédaient dans les anfractuosités, des bancs de sars qui défilaient comme un rideau argenté. Et parfois, en embuscade, une meute de barracudas ou l’éclair d’un loup de mer. J’avais même monté quelques vidéos à l’époque, pour tenter de fixer cette exubérance :
Puis vinrent les étés de canicule — 2018, 2022, 2024. La chaleur prolongée a décimé les gorgones jusqu’à trente mètres. La forêt flamboyante s’est changée en une herse grise, hérissée de squelettes, spectacle apocalyptique d’un monde blessé.
🐠 Récit de la plongée
Entre leurs branches, des nuages d’anthias vibraient en suspension, illuminés par nos phares. Leurs éclats orangés semblaient danser dans le bleu, comme des étincelles arrachées au soleil. C’est là, au cœur de la zone des quarante-cinquante mètres, que Caramassaigne montre encore son vrai visage : celui d’une oasis de vie, intacte malgré les blessures des dernières années.
Chaque recoin semblait habité, chaque anfractuosité recelait une promesse — une murène, un chapon immobile, un mérou vigilant.
Pour Greg, la plongée a laissé un goût d’inachevé. Pour moi, elle avait valeur de témoignage : Caramassaigne, c’est désormais deux visages — celui, somptueux, des profondeurs encore préservées, et celui, fragile, des zones moyennes marquées par les canicules.
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