Tête de Chien sur la côte bleue – Une plongée ordinaire, une aventure extraordinaire

Mistral et houle en embuscade, mais pas de quoi renoncer.

Le Parc national des Calanques nous tourne le dos aujourd’hui, inaccessible pour cause de vent et de mer mauvaise. Mais la Côte Bleue, fidèle complice des jours venteux, nous ouvre ses bras rugueux. Le site de la Tête de Chien, tout près de Méjean, nous attend, battu par les vagues et le souffle d’un vent d’ouest à nord-ouest bien établi.

Nous embarquons à l’Estaque, sur le Mako II. Le trajet est un rodéo salé, secoués, rincés, mais le cœur léger. La bonne humeur fait office de stabilisateur. Trois palanquées du Mako Club d’Istres, dont la nôtre. Deux autonomes, photographes et vidéastes amateurs, ont embarqué eux aussi, espérant cueillir des éclats de mer avec leurs objectifs.


Un relief à flanc de mystère

Relief du site, issu des données SHOM  (modèle MNT Litto3D®). Tracé du parcours du jour.

Le site de la Tête de Chien se dévoile par étapes. Un tombant aux allures de muraille, tapissé de vie. Des pentes plus douces, des replis, des failles. À chaque plongée, on y découvre une nouvelle nuance. Aujourd’hui, la visibilité est plutôt bonne pour la Côte Bleue : assez pour sentir que l’on flotte dans un espace ouvert, avec ce léger vert méditerranéen qui adoucit les contours.


Le jeu du moment : placer les images sur le relief 3D



Là où l’on croit que rien ne vit…

Après avoir rejoint le cap, on descend sur un fonds sableux. Peu de plongeurs s’y attardent. Trop uniforme, trop vide en apparence. Et pourtant… Les signes de vie y sont innombrables. Des traces sinueuses marquant le passage discret d’un vers ou d’une holothurie. Des coquilles partiellement enfouies, des empreintes éphémères laissées par des pattes ou des nageoires. Le sable raconte toujours une histoire, pour qui prend le temps de lire.

Holothurie

Ver de Bonellie Bonellia viridis



Alcyon, gorgones et coraux

Sur le tombant, la vie se densifie. Gorgones jaunes, gorgones blanches, déployées en éventails dans la houle, captent la lumière de nos phares. Elles vibrent à peine sous la poussée de l’eau, souples et puissantes. Au creux d’un rocher, quelques branches de corail rouge affleurent – éclat précieux au cœur du minéral.
L’alcyon méditerranéen, lui, s’infiltre çà et là, colonise les zones mortes ou fatiguées. Est-il un simple opportuniste ou un pionnier d’un nouvel équilibre biologique ? On s’interroge. La science avance, mais lentement, humblement. Sous l’eau, on mesure à quel point notre compréhension est partielle. On ne fait qu’entrevoir la mécanique immense du vivant.


Alcyon méditerranéen



Alcyon sur gorgone jaune


Détail de polypes d'alcyon


Corail rouge dans une anfractuosité


Corail rouge, parfois orange comme à Lanzarote


Prisé des humains, son drame.


Un monde de détails et d’émerveillement

Nous croisons un doris tricolore, puis un second.

 Et là, une scène rare : un accouplement, paisible, sur un tapis de bryozoaires. Les doris, petits joyaux discrets, rappellent que même dans les recoins les moins spectaculaires, la nature célèbre ses noces.
Doris tricolores en pleine rencontre amoureuse.

Un cérianthe tapie au pied du tombant

CCérianthe noir de mediterranée


Le KéCeCé du jour

Et comme à chaque sortie, il y a ce moment délicieux où un détail accroche l'œil, soulève une question, déclenche un sourire curieux derrière le masque : le KéCeCé du jour.
Ce drôle d’organisme qu’on ne reconnaît pas tout de suite, qui échappe à nos bases de données mentales, et qui nous promet une belle enquête une fois rentrés à terre.


Cette fois, ce sont des anémones encroutantes d’un genre inattendu qui nous intriguent. On connaît bien leurs cousines éclatantes, ces magnifiques bouquets jaunes étoilés qui ornent l’ombre des surplombs rocheux et qui font le bonheur des photographes. Sciaphiles, elles fuient la lumière, préférant les creux et les recoins obscurs.
Mais notre mystérieux KéCeCé, lui, s’expose au grand jour, posé au fond vers 20 mètres, baigné de lumière. Ses polypes, au lieu d’être jaune fluo, sont blanchâtres, presque diaphanes, et déploient calmement leurs tentacules au milieu d’un décor végétal inattendu : padines translucides, petits chapeaux basques et bryozoaires filigranes.


On s’approche, on photographie — deux clichés zoomés pour bien cerner les détails.
Dents-de-cochon ? Non, ils vivent seuls. Une autre espèce coloniale d’anémone ? Peut-être.
Le mystère reste entier. L’enquête est ouverte !


Comme toujours, les pages du site Doris, les forums et les guides vont chauffer dans les prochains jour, et les commentaires sont les bienvenus.


Et quel plaisir de ne pas tout savoir.



Et puis surgit le ballet des bancs argentés. Sardines ? Anchois ? Bogues ? Peu importe : des milliers de corps fluides fusionnés en une seule entité mouvante. Leur peau capte la lumière comme un miroir vivant, disparaît dans un éclat, réapparaît une seconde plus loin.



On sait que ces bancs attirent inévitablement des prédateurs. Et effectivement : une sériole fend la colonne d’eau au-dessus de nous, éclair de muscles et d’intention. Trop rapide pour être capturée par l’objectif, mais assez proche pour graver un souvenir instantané dans la mémoire.




Leçon d’humilité, ode à la patience

Ce jour-là, il n’y avait ni grotte secrète, ni épave monumentale. Un seul petit mérou craintif, pas de Corbs ou de banc immense de barracudas. Et pourtant, tout y était. Le sable animé de mystères. Les gorgones dressées comme des forêts suspendues. Les nudibranches aux couleurs vives. Le souffle du Mistral qui, même sous l’eau, rappelle que la mer est vivante, impétueuse, souveraine.


La plongée nous apprend l’humilité. Elle nous apprend à chercher le beau dans le discret, le spectaculaire dans le minuscule, le savoir dans la contemplation. Et surtout, elle nous rappelle que chaque descente sous la surface peut être une aventure. Merveilleuse, incertaine, et toujours précieuse.


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L'excellente chaîne Utube 'Sous la surface la vie sauvage'

Commentaires

  1. Et coucou, le Kecece du jour ne serait pas Le Madrepora de Mouchez. Il appartient au philim des Cnidaires, a la classe des Anthozoaires, a la sous classe des Hexacoraux et a l'ordre des Madrepora ou Sclerattinia

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    1. Trouve sur le site : www.biologiamarina.org

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    2. Coucou Pascal. Possible, mais je pencherai plus pour du cladocore en touffe car les autres craignent la lumière et vivent dans des surplomb. La fiche Doris : https://doris.ffessm.fr/Especes/Cladocora-caespitosa-Cladocore-en-touffe-123
      En tout cas, merci de ta participation, l'enquête n'est pas close ;)

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