Petits mystères sous-marins au Cap Caveau

Le Mistral souffle, la houle commande.
Au large de Marseille, la mer impose toujours ses lois, et c’est à Christophe, directeur de plongée, de lire dans ses humeurs. Grâce à son expérience, un choix s’impose : nous mettrons le cap vers la Calanque des Cambrettes, à l’Est de la pointe sud de Pomègues, dans l’archipel du Frioul.

Une crique accueillante, protégée, qui offre un mouillage sûr.

Le temps de s’équiper, le clapot contre la coque, et déjà l’excitation monte. Dans un instant, nous quitterons les tourments du monde terrestre pour la quiétude des profondeurs.


Plonger dans un jardin vivant

Dès les premiers mètres, la calanque révèle sa richesse.
Même peu profonde, elle déroule un tapis de vie foisonnante : herbiers, roches tapissées d’une faune fixée exubérante, bancs de poissons qui passent comme des éclairs argentés. La Méditerranée, qu’on croit connaître, surprend toujours ceux qui prennent le temps de la regarder.



Doris dalmatienne (Peltodoris atromaculata)

Protule rouge, Serpule, Sabelle, Spirographe ... Le nombre de vers tubicoles est si grand que l'on s'y perd. Il va falloir penser à faire un article sur ces beautés craintives.





Annémone charnue (Cribrinopsis crassa)

Pour les plus expérimentés, le chemin continue vers un petit tombant, à une quarantaine de mètres. 

Source des données : SHOM

Là, les gorgones pourpres dressent leurs éventails. Certaines sont immenses, toutes déployées dans le courant, comme si elles respiraient la mer elle-même.

Guy face à Paramuricea clavata

Charly face à Eunicella cavolini

L’une d’elles, une gorgone caméléon, attire notre regard. Ses extrémités se parent de couleurs changeantes, et ce mystère là — pourquoi ce jeu de teintes ? — continue de m’intriguer à chaque plongée.
Gorgone caméléon, bicolore, bleue, rouge, tout y passe mais ça reste (Paramuricea clavata) d'après les spécialistes.



Les rencontres inattendues

Ver plat rose ou planaire (Prostheceraeus roseus)
Charly, toujours l’œil aiguisé, s’émerveille d’un trésor minuscule : un planaire rose, posé délicatement sur un bouquet de coralligène. Un ruban soyeux, fragile, qui semble presque irréel à quarante mètres de fond.





Oursin à pointes blanches ou granuleux (Sphaerechinus granularis)
Plus haut, un oursin à pointes blanches (Sphaerechinus granularis) se laisse découvrir. Peu courant sur nos sites habituels, il a l’air d’une boule violette constellée de petites épées blanches.







Puis, dans une faille, Guy repère un congre. Le poisson allonge son corps comme un serpent marin, sortant prudemment sa tête de son abri, à la fois curieux et méfiant.

Congre (Conger conger)

Le mystère du jour

Mais la vraie énigme, celle qui nous marquera, se cache plus profondément.
Encore une fois, c’est Charly qui la débusque : une étrange anémone, repliée au creux d’une faille.


Ses tentacules charnus semblent agrippées sur une corolle souple comme une fleur de chair qui ne voudrait pas livrer son nom. La robe, la couleur, la disposition… tout semble familier et pourtant différent. Est-ce une anémone charnue (Cribrinopsis crassa) ? Peut-être. Le doute reste entier.

Le temps file, les paliers s’accumulent. Les photos sont difficiles à prendre, tremblées, imparfaites. Mais le mystère est là, et il suffit à nourrir mille questions.


Une surprise cachée

De retour sur la terre ferme, en scrutant les clichés, une révélation soudaine : au cœur même de l’image, presque invisible, une crevette s’offre à nous. Periclimenes aegylios, délicate, translucide, comme un éclat de verre posé sur l’anémone.

Possiblement : Péricliménès Grand V (Periclimenes aegylios)

Je ne l’ai pas vue sous l’eau — ma vue, mes réglages approximatifs m’ont trahi. Mais quelle émotion de savoir qu’elle était là, à quelques centimètres de nous, gardienne discrète de son hôte mystérieux !


Et toujours, l’appel de la mer

Chaque plongée laisse ses images, ses questions, ses merveilles.
Mais celle-ci, avec sa gorgone caméléon, son planaire rose, son oursin rare et son anémone énigmatique, m’a laissé surtout une obsession : retourner sous l’eau.

Car c’est peut-être cela, le vrai trésor des profondeurs : cette promesse d’inconnu, de rencontres éphémères avec ce monde sauvage, mystérieux et fascinant.


Commentaires

  1. Toujours poète mais pleine de vérité vivement que j'y retourne aussi 🤣🥰

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